Depuis une dizaine d'années, un nombre considérable de Blancs pensent être les nouvelles victimes d'un « racisme anti-blanc », d'une « discrimination inversée », d'un « remplacement » et pour les plus extrémistes, d'un « génocide blanc ».Ces discours, propres aux sympathisants d'un nationalisme ethno-racial, ont motivé l'élection de Donald Trump à la présidence des EU et menacent d'entériner sa réélection en novembre 2020.Dans de très nombreux ouvrages, cette crispation communautariste blanche est souvent présentée comme une réaction politique à la mondialisation néolibérale et aux inégalités nouvelles qui en résultent, à l'immigration dite « massive » et surtout au développement d'une société multiculturelle en passe d'assurer un bouleversement démographique et culturel.Pourtant, ces discours sur le « déclin » même relatif des Blancs américains ne résiste pas à l'étude des données disponibles sur l'inégalité réelle et les positions de pouvoir entre Noirs, Hispaniques et Blancs.En réfléchissant à la construction historique d'une identité nationale ethno-raciale aux EU, Sylvie Laurent démonte le nouveau mythe du Blanc victime qui a déjà traversé l'Atlantique (Brexit, par exemple) et qui invisibilise des inégalités raciales pourtant toujours criantes.Elle dévoile avec brio que ce discours est en réalité l'ultime tour de passe-passe de la domination blanche aux États-Unis, qui s'approprie la posture de l'opprimé pour préserver un ordre social chahute´ par l'élection de Barack Obama et l'activisme des minorisés.
Depuis le miracle économique, la pauvreté n'a joué qu'un rôle marginal en Allemagne. Compte tenu de l'euphorie suscitée par le nouveau plein emploi, l'ampleur des inégalités sociales, la montée des bas salaires et la précarité grandissante n'ont pas été pris suffisamment en compte.Sous la surface d'une société apparemment stable, les piliers de l'intégration sociale s'effritent.Or, les enjeux des luttes sociales en France qui ont pris une ampleur historique à la fin de l'année 2019 ressemblent de manière troublante aux remaniements massifs engagés par l'Allemagne dans les années 1990. Et malgré toutes les différences, les mouvements de protestation tels que Podemos, « Pegida », les syndicats parisiens ou les gilets jaunes partagent une perception commune: les promesses sociales qui ont maintenu les sociétés européennes modernes ensemble jusqu'à la fin du xxe siècle ne sont plus valables. A mesure que les systèmes de protection sociale se réduisent, le danger de polarisation sociale augmente et le déclin social menace également la communauté démocratique en tant que telle.
Quel est le rôle de la ville dans la lutte contre les discriminations? Les mouvements Black Live Matters ou les manifestations contre le harcèlement sexiste ont bien montré que la ville est un théâtre de représentations et d'actions discriminantes. Les villes, pour de nombreuses raisons politiques, civiques ou humaines, ont un rôle central à jouer dans cette promotion de l'égalité. A travers plusieurs contributions, ce livre se propose d'éclairer quatre grandes thématiques. Premièrement, celle des quartiers (dits) prioritaires et des inégalités subies par leurs habitant.e.s: quelle prise en compte de ces quartiers? Puis, dans un contexte post-confinement, quel accès à la santé pour ces territoires? Deuxièmement, celle de la prise en compte du racisme à l'échelle municipale à partir de deux « cas » municipaux. Troisièmement, celle des stigmatisations dans la ville: de quelles manières les municipalités peuvent-elles s'engager dans une ville vivable pour les minorités de genre et de sexualité, ou bien encore pour les personnes en situation de handicap psychique? Quatrièmement, celle de la précarité et du logement: comment faire glisser la question du sans-abrisme du côté de la discrimination? Pour conclure ce livre, des diagnostics seront posés, l'un en matière de prévention et de lutte contre les discriminations au logement au regard de villes « Airbnbisées », l'autre sous forme d'échanges entre élu.e.s en charge de la lutte contre les discriminations dans différentes villes: Bordeaux, Paris, et Lille. A la lecture de ces pages il s'avère qu'inoculer plus activement encore le principe de non-discrimination dans l'horizon des politiques municipales et métropolitaines doit devenir une priorité.
Les grèves d'août 1980 aux chantiers navals Lénine de Gdansk et la révolution pacifique qui en suivit furent essentiels dans la sortie du communisme en Europe centrale. Plus qu'un syndicat, Solidarnosc fut un « mouvement social total », selon les termes d'Alain Touraine et de Michel Wieviorka, car il croisa trois ordre d'action: syndical, démocratique et national, donnant lieu au premier syndicat libre et autonome en Pologne populaire. Quarante ans plus tard, au-delà des désillusions ainsi que des guerres mémorielles et politiques qui se jouèrent après 1989, le moment de cet éveil des consciences nationales et internationales continue à fasciner. Il interroge les formes de mobilisation et d'engagement dont sont capables les acteurs d'une société pour imaginer l'impossible et le faire advenir.À travers des événements choisis au tournant des années 1980 et leurs multiples représentations visuelles, Ania Szczepanska interroge l'idée même de solidarité en confrontant les traces de ce passé révolutionnaire. Elle éclaire tout autant ses mythes que ses figures invisibles, mises à l'écart du récit dominant. Spécialiste du cinéma polonais et des images d'archives, l'auteure pense la manière dont les images, qu'elles soient cinématographiques ou impures comme les images d'observation de la police ou les images dites amateurs, contribuent à nous faire connaître le passé, à le transmettre et à façonner les contours de nos imaginaires, par leur puissance mobilisatrice et leur richesse interprétative.
Par quelles opérations un édifice ou un objet se trouve-t-il intégré au corpus du patrimoine ."Quelles sont les étapes de la " chaîne patrimoniale ", depuis le premier regard jusqu'à l'éventuelle obtention du statut juridique de " monument historique " ? Quels sont les critères mis en oeuvre par les chercheurs de l'Inventaire pour décider que tel château, telle ferme, tel tableau d'église possède ou non une valeur patrimoniale ? Quelles émotions animent les mobilisations des profanes en faveur des biens à préserver ? Et finalement, sur quelles valeurs fondamentales repose la notion même de patrimoine ?.
Telles sont les questions auxquelles répond ce livre, à partir d'enquêtes au plus près du terrain. Car c'est dans le détail des procédures, des propos enregistrés, des scènes et des gestes observés que l'on peut réellement comprendre comment - c'est-à-dire pourquoi les limites du patrimoine n'ont cessé, en une génération, de s'étendre, englobant désormais non seulement la " cathédrale " mais aussi la " petite cuillère" selon les mots d'André Chastel définissant le service de l'Inventaire , voire, tout récemment, la borne Michelin.
Appliquant à la question patrimoniale les méthodes de la sociologie pragmatique, cette étude s'inscrit dans la perspective d'une sociologie des valeurs, tentant d'élucider ce qu'on entend aujourd'hui dans notre société par l'ancienneté, l'authenticité, la singularité ou la beauté - et qu'on en attend.
« Gouverner c'est prévoir », écrivait Emile de Girardin au XIXe siècle mais de tout temps, tous ceux qui exerçaient un pouvoir quelconque s'efforçaient de prévoir et pour cela s'informaient avec les moyens dont ils disposaient. Cet ouvrage collectif regroupe une vingtaine d'auteurs qui, de la Renaissance à nos jours évoquent les multiples facettes de l'informations, le rôle des informateurs et les décisions prises par les détenteurs du pouvoir.
Les phénomènes migratoires atteignent de nos jours une ampleur inédite et suscitent de graves crises sociétales en Europe et ailleurs. L'ouvrage, au carrefour de la sociologie, de la philosophie et des études culturelles, veut renouveler les analyses pour mieux comprendre ces réalités et suggère un changement paradigmatique qui substitue au lexique de la migration une pensée fondée sur les notions de condition exilique et d'exiliance afin de redonner un plein statut à la fois existentiel et politique au migrant.
Les discours actuels font du migrant une figure propre à alimenter chiffres et statistiques et ils gomment son vécu et ses parcours.
Tout en reconnaissant une origine et une destination à son itinéraire, ils mettent l'accent sur l'un des deux pôles, les modèles politiques reproduisant la polarité dans la mesure où l'intégration républicaine privilégie l'identité d'arrivée, le multiculturalisme communautariste l'identité de départ. Or, l'expérience exilique conjoint les deux, dans une dynamique de multi-appartenance que les logiques citoyennes des Etats-nations peinent à intégrer.
Le migrant est d'abord un exilé, porteur d'une mémoire et d'une histoire plurielles, propres à enrichir le vivre-ensemble.
Comprendre le migrant en tant qu'exilé permettra de mieux l'accueillir et, en place d'un droit d'asile défaillant, d'esquisser les fondements d'un droit d'exil.
Dans nos sociétés « iconophages », l'attrait pour les archives audiovisuelles s'accroît, menaçant parfois l'intégrité des images qui façonnent notre mémoire et nos imaginaires du passé. Leur importance est cruciale et pourtant elles ne bénéficient pas d'un statut équivalent à celui des archives écrites; elles ne profitent pas non plus pleinement des protections accordées aux oeuvres d'art.Parallèlement, la révolution numérique modifie en profondeur les conditions d'accès, de circulation et de reproduction des images, posant de constants défis aux institutions chargées d'en assurer la conservation et la communication.Ainsi, les usages des images d'archives soulèvent des questions politiques et éthiques tandis que leurs coûts freinent l'expérimentation de formes plus innovantes d'écriture de l'histoire dans le cadre de dispositifs pédagogiques et scientifiques.Parce qu'elles sont entrelacées, ces questions nécessitent une réflexion de fond associant historiens, juristes, philosophes, conservateurs, cinéastes, producteurs... Le présent ouvrage se propose d'amorcer ce dialogue nécessaire en dépliant les questions liées à la conservation, à l'interprétation, à la circulation et aux usages des images d'archives.